•  

    « L’art, ce consolateur des misères humaines » François Ponsard

     

     

     

     

     


     

    Du point de vue biologique, il n'y a pas de discontinuité au phénomène vivant, une bactérie donne naissance à deux bactéries filles en se divisant (scissiparité), une cellule sexuelle produite par le père (spermatozoïde) fusionne avec une cellule sexuelle produite par la mère (ovocyte au stade II ou ovule au sens large ou cellule œuf au sens strict) pour donner un zygote ou œuf fécondé (œuf au sens courant mais inexact) qui a toutes les capacités (potentialités (potentia = la puissance en latin), compétences, on parle de cellule omnipotente, capable de donner le tout (omnia en latin)) pour se diviser et donner un individu complet par des mécanismes souvent décrits en termes indissociables de croissance et de développement. Mais cette absence de discontinuité, cette transmission de la vie (chaîne ininterrompue et d'autres métaphores du même type) n'empêche pas que l'individu, la personne humaine, comme la bactérie, présente par contre un début et une fin. L'individuation n'est pas vraiment une question biologique, même si la biologie permet de préciser les moments décisifs de la vie d'un individu. La phase de maturité en biologie est souvent assimilée à l'acquisition de la compétence reproductrice ou puberté. Vient ensuite une phase de sénescence qui, si elle est assez clairement établie du point de vue social l'est beaucoup moins du point de vue physiologique. De la même manière, la mort peut souvent être définie comme un arrêt cardiaque définitif, mais nécessite des définitions plus subtiles dans certains cas de coma. Actuellement, la mort est considérée comme légale dans les cas litigieux si on obtient deux électroencéphalogrammes plats à plus de 30 min d'intervalle, et ce, même si le cœur, assisté, continue de se contracter et si les poumons, en assistance respiratoire, continuent d'effectuer les mouvements d'inspiration-expiration.

     


     

     

     

     


    Au commencement, il y avait un dixième de millimètre de tout. Au commencement, il n’y avait rien. Ou presque. Deux gamètes qui fusionnent, tout au plus un dixième de millimètre. Et dans ce presque rien… tout. Tout un monde de possibles, tout un monde de vie, tout un monde de fonctionnement, d’organisation, de coopération, tout un monde de rêves, aussi, toutes émotions, toutes sensations, toutes pensées.

    A partir de quoi c’est la pente ascendante, l’émerveillement. Les chromosomes mêlés se reconnaissent, s’assemblent, puis migrent, et c’est la première division. Deux cellules n’en ont fait qu’une, et vingt heures plus tard, les voilà à nouveau deux. Mais pas les mêmes que les deux du départ, voilà deux cellules identiques formant le début d’un organisme pluricellulaire. Deux, et bientôt des dizaines, des centaines, des milliers, des millions, des milliards… Des spécialisations, des différenciations, chaque cellule assurant un rôle pour le bon fonctionnement de l’organe ou du système auquel elle appartient, pour le maintien en vie et à l’équilibre de l’organisme auquel ledit organe ou système appartient.

    Au commencement,  il y avait une cellule unique, un œuf fécondé, d’un dixième de millimètre.

    Neuf mois plus tard, déjà vingt-six milliards de cellules différenciées.

    Et la magie continue d’opérer, à vingt-six milliards de collaborateurs. La reproduction cellulaire se poursuit, l’organisme continue à gagner en taille, acquiert de nouvelles compétences, les cellules cérébrales s’organisent, de la mise en place de réseaux d’apprentissage à la maturation des systèmes de transmission d’information. C’est l’ère du Plus : plus rapide, plus grand, plus complexe, plus fort… plus efficace. L’organisme a optimisé le rendement énergétiques : il absorbe, il brûle, il transforme, il stocke, il déstocke, il élimine. Le fonctionnement est rôdé et l’organisme est tout à sa croissance.

    Le début monocellulaire d’un dixième de millimètre est loin…

    Arrivé à maturité, l’organisme est composé de soixante mille milliards de cellules, différenciées en deux cents types, toutes œuvrant dans le même sens : le maintien de la vie, de l’équilibre de l’organisme et à présent aussi sa reproduction. Et dans ce mouvement pour la vie, chaque jour, deux cents milliards de ces cellules meurent pour être remplacées par autant de nouvelles.

    C’est dire que chaque femme et chaque homme porte en elle, en lui, la magie d’une architecture d’une complexité impensable, soixante mille milliards d’unités, chacune ayant en elle sa propre structure, ses organes, ces cycles de vie, de reproduction et de mort programmés, ces soixante mille milliards fonctionnant en harmonie, en cohésion, en synergie et en collaboration pacifique.

    C’est sidérant de beauté, de magie, de mystère, de fluidité, c’est aussi simple que complexe, c’est aussi insensé qu’évident de sens.

     

    Plus tard vient la sénescence. La dégradation naturelle, normale et programmée de l’organisme. Passé l’âge de la puissance reproductrice, l’organisme laisse place à ses suivants, à l’image de ses propres cellules, à une autre échelle. La sénescence, donc : renouvellement cellulaire moins rapide, organes / systèmes / tissus moins efficients, transmission d’informations moins efficace, multiplication des petits dysfonctionnements, jusqu’à arrêt complet du système.

    - mort -

    Naissance, vie, mort. Pourvu que se transmette la Vie.

     

     

     


     

     

     


    E
    t puis il y a le cancer. En marge de cette admirable et époustouflante capacité d’homéostasie, la chienlit fatale, le déséquilibre létal, le grain de sable qui flingue les rouages.

    Une cellule se met à dysfonctionner. Modifiant sa prédestination, elle ne mourra pas et au contraire se reproduira sans cesse.

    Elle a muté, n’a plus d’identité différenciée, n’a plus de rôle à remplir dans l’organisme. Devenue insensible aux signaux extérieurs qui devraient réguler sa vie et sa mort, elle se multiplie, créant un groupe à son image, les cellules mutées, parasites et colonisatrices. Tout le groupe se met à se multiplier, sans ordre, sans loi et sans limite.

    Et comme perturber le fonctionnement de leur propre organe, système ou tissu est insuffisant, les voilà colonisant toutes zones avoisinantes. Et plus encore, certaines se laissent porter et transporter par le sang, par la lymphe, et ces flots intérieurs leur offrent de nouveaux lieux de propagation.

    Ainsi, peu à peu, ce sont tous les organes de l’organisme qui sont affectés. L’homéostasie n’est plus. La beauté de la synergie, de la collaboration pacifique n’est qu’une chimère. L’organisme est soumis au règne de l’anarchie, de la domination, de la colonisation…

    L’homéostasie n’est plus. Le souci premier et commun du maintien de la vie a disparu. Le sens a failli.

    La suite vient logiquement.

    La suite, la fin prématurée de l’organisme, la défaite de la Vie.

     

     

     


     

     

     

     

     

     

     

     

    …et soudain réaliser qu’à l’échelle de l’humanité, le schéma est le même….

     

     

     

    …que la synergie pourrait…

     

     

     

    …mais que le cancer est…

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    …et que le cancer de l’humanité…. C’est l’homme…

     

     

     

     

     

    Que sans l’art,

    sans la lumière,

    sans la joie,

    sans l’amour,

    sans l’amitié,

    sans la musique,

    sans la poésie,

    sans la danse,

    sans la littérature,

    sans les photos…

     

    …nous ne serions rien d’autre que nos propres bourreaux.

     

     

     

    Que sans Langueur,

    sans Beauté,

    sans le rai de lumière sur le bureau,

    sans le rouge des érables de l’avenue du 11ème,

    sans l’Evidence,

    sans le quand de l’éloquence,

    sans Sensation,

    sans Jiri Kylian,

    sans Corps et âme,

    sans marathoff,

    sans les vibrations musicales…

     

    …je ne serais que larmes…

     

     

     

     

    … soixante mille milliards de larmes…

     

     

     

     

     

     

     

     





  •