• m'envelopper...

    me lover dans une peau de plus,

    faute de retour possible dans la matrice.

    une peau de plus...

    pas une peau de chagrin !

    une peau de plus...

    une peau fûmante d'une lape de lait

    une peau brûlante d'un rai de Râ

    une peau moussante, et odorante, d'un plouf en tub


  • Rentrer à cette heure où la nuit s'annonce.

    Rendre sa voix à la dame brune.

    Retrouver le cotonneux cocon de nos étreintes suaves.

    Régaler mon être de la douce émotion que tu as fait mienne.

    Retenir prisonnières les réminiscences sensationnelles - et sensorielles - et sensuelles.

              ** Ton odeur la plus intime dans ma chevelure **


  • Nuit,

    Nue,

    Drap,

    Brise,

    Carillon,

    Pensées...

    La douceur est dans l'air,

    Comme ne l'a pas chanté John Paul Young.


  • - 2014, 16h35 -

    Hall du commissariat. Assise, arrivée annoncée et attente du fameux Clivier. A ma droite, deux familles qui se connaissent un peu. Les femmes parlent diabète, crise cardiaque et spasmophilie. ça barbote dans l'obésité familiale, ça dégouline de vulgarité, ça transpire la bêtise crasse.

    Un flash. Ramenée un an et demi en arrière.

     

    - un an et demi en arrière -

    Ramenée à la nuit qui vient de tomber, dans le commissariat fermé au public. J'occupe mon garçon comme je peux, je réponds à ses questions avec ce que j'imagine être une parfaite décontraction.

    Ramenée derrière la porte verte, au fond du couloir, à droite. Le bureau de recueil de ma déposition. Le policier sympathique et avenant emmène mon garçon, me permettant de parler librement, pour épargner à ses oreilles de pas-tout-à-fait-six-ans le récit détaillé de l'alcool, du couteau, de la négociation, du couteau qui se plie contre un main sur mes seins, de mon pull pour cacher la scène à mon fils à quelques pas de là, le récit de l'alliance en or abîmée, du refus d'arrêter, de la douleur du sein pincé, du couteau qui ressort de la poche, des menaces de viol, des menaces de mort...

    Ramenée au fond du couloir à gauche. Faire moi-même un prélèvement ADN... Relever tee-shirt, ôter soutien-gorge, enfiler gants, cesser respirer, imbiber coton tige, frotter, ranger, fermer fiole, respirer.... et confier mon soutien-gorge pour d'éventuelles analyses.

    - En quelques secondes, assise sur ce siège inconfortable, entre le distributeur de boisson et celui de prospectus "Protégez-vous contre le cambriolage", en quelques secondes, revivre l'irréel, le traumatisme à contre-temps, puisque sur l'instant mue par l'adrénaline et l'instinct viscéral de protection de ma progéniture et de la naïveté de son enfance. -

    Ramenée, de retour du couloir, vers le hall. Trouver le fiston entouré de paternels messieurs armés, adorable blondinet fier de son aisance au cœur de ce lieu fascinant et admirable. Approcher, forte et tout sourire, le féliciter pour le dessin qu'il me montre et que je conserve depuis au fond du tiroir de mon bureau. 

    Ramenée dans la voiture qui nous ramène à la maison à 22h.

    Ramenée dans la chambre au fond de notre couloir, coucher mon fils avec douceur et réassurance, bienveillance et tendresse. Fermer la porte. Trouver une enveloppe de papier kraft grand format, ôter mon tee-shirt et l'y ranger, comme demandé, pour l'amener au commissariat le lendemain. Puis finir de me déshabiller. Jeter dans le lave-linge tous les vêtements qui ont touché ma peau et la sienne. Entrer nue dans la baignoire. Et me laver, me laver, me laver....

     

    Quelques secondes dans le hall du commissariat, un sanglot ravalé, un tremblement intérieur, un instant déjà évaporé.

     

    A l'étage supérieur, en face du Clivier aux bras tatoués et au sourire rassurant, à la question "Comment vous sentez-vous depuis les faits ?", je fais inscrire "J'allais bien depuis janvier 2013 mais depuis que j'ai reçu votre convocation je me sens vulnérable et fragilisée."

    Vulnérable et fragile.

     

    -17h30 -

    Sortie du commissariat. Le souriant tatoué m'a saluée en me souhaitant "Bon courage".

     

    - 21h45 -

    Fauteuil. Fenêtre ouverte. Air frais. Fauré et Duparc. Clavier. 

    Les sanglots se sont déversés au-dessus de ces lignes. Dans l'obscurité solitaire.

    Ce soir, dans la pénombre contenante, je n'ai pas de force. Ce soir, je m'effondre. Ce soir, je me liquéfie.

     

     

    Et demain matin, je me relèverai.

     

     

     


  • - 2012, 2h07 -

     

    Il y a un drap, en bas, sur la chaussée.

    Mon cerveau le pense blanc.

    Mes yeux le voient bleu, dans l'intermittence des gyrophares.

    Mon cœur le sent rouge, du sang répandu.

    Il y a un drap, en bas, sur la chaussée. Et juste en-dessous, il y avait un homme. Il ne reste qu'un corps inerte et exsangue.

    Et ça parle, autour de lui, ça interroge. ça cherche, ça enjoint les automobilistes à faire demi-tour sans tarder, et les passants à passer. ça attend. ça va finir par repartir, quand le drap aura quitté la chaussée.